Pourquoi visiter l’exposition temporaire « Visions d’Orient » ?
L’exposition temporaire « Mariano FORTUNY y MARSAL – Visions d’Orient » est visible jusqu’au 9 mars 2025 au Musée Goya et d’Art Hispanique de Castres (81).
A l’occasion des 150 ans de la disparition de l’artiste, le musée castrais a choisi de présenter une sélection exceptionnelle de plus de 80 œuvres, certaines issues de fonds propres et d’autres prêtées par des établissements aussi prestigieux que le musée d’Orsay, le Musée national d’Art de Catalogne à Barcelone, ou encore le Musée d’Art et d’Histoire de Reus.
Fervent admirateur de Goya, Mariano Fortuny y Marsal (1838-1874) est sans conteste l’artiste espagnol à la plus grande renommée internationale au XIXe siècle. Peintre, dessinateur, graveur, il est aussi un grand voyageur et noue de solides amitiés avec d’autres peintres de son époque, notamment à Paris.
Il est issu d’un milieu modeste d’artisans et orphelin très jeune, sa formation artistique débute tôt, sous la houlette de son grand père, d’abord à l’école de dessin de Reus, puis à l’École des Beaux-Arts de la Llotja à Barcelone. Il deviendra le plus grand représentant de l’Orientalisme espagnol.
Le terme « Orientalisme » fait son apparition officielle en 1816 dans l’Atlas Ethnographique du Globe (par Bardi) et se répand à partir des années 1830… Cependant, il désigne une réalité bien plus ancienne puisque cette inspiration est déjà présente depuis le XVIIe siècle avec notamment le « Mamamouchi » de Molière. Au XIXe siècle, Hugo, dans la préface des Orientales, affirme que « l’Orient est devenu une préoccupation générale ».
Depuis la chute de Constantinople en 1453, l’Occident « louche » sur l’Orient avec envie, et la France n’est pas en reste. C’est alors Venise qui sert d’intermédiaire avec le Levant. En 1536, François Ier rencontre Soliman le Magnifique et des liens diplomatiques et commerciaux vont se développer tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Puis la campagne d’Egypte de Bonaparte (1798-1801) va alimenter en France la mode de « l’Égyptomania ». A partir de 1830, on assite à la colonisation de l’Algérie qui aboutira en 1848 à la création des « départements français d’Algérie » et suscite l’intérêt des artistes pour ses paysages et ses traditions…
En Espagne, le XIXe siècle est politiquement mouvementé. Guerre d’indépendance (contre l’occupation française) au début du siècle, retour de l’absolutisme (incarné par Ferdinand VII), guerres carlistes, soulèvement populaires et putschs militaires se solderont par une révolution (1868) puis la proclamation d’une éphémère Ière République en 1870. Malgré tout, l’Espagne, à l’instar des autres pays européens, continue de mener une politique coloniale. C’est dans ce contexte que le jeune Mariano Fortuny est envoyé au Maroc par la Diputación de Barcelone.
Les peintres romantiques comme Delacroix, Ingres ou même Briguiboul trouvent dans l’Orientalisme une évasion, un ailleurs fantastique, pourvoyeurs de thèmes nouveaux, de couleurs vives et éclatantes, d’effets de lumière intenses. Beaucoup ne font que de brefs (et parfois unique) séjours et s’en inspirent ensuite pour peindre un Orient fantasmé et sensuel, en utilisant des accessoires, à l’époque rares ou insolite, pour rendre « exotiques » des scènes somme toute très parisiennes… C’est cette vision là, majoritairement répandue, que j’avais moi-même de l’Orientalisme européen avant de visiter cette exposition.
Cependant, certains artistes accompagnent des missions scientifiques et s’évertuent à dépeindre un Orient plus réaliste, dans une démarche que l’on peut presque qualifier d’ethnographique, documentant paysages, architectures et « types » humains avant qu’ils ne s’avilissent (culturellement parlant) au contact des Européens…
C’est de ces derniers qu’il faut rapprocher Fortuny, et ce fut pour moi une belle découverte. Envoyé au Maroc en 1860 pour « couvrir » la campagne militaire du général Prim, il va finalement s’enticher de ce pays et délaisser sa mission première pour rendre compte de la culture qu’il découvre et intègre petit à petit.
L’exposition « Mariano Fortuny y Marsal – Visions d’Orient » met l’accent sur les œuvres réalisées au cours du premier séjour marocain de Fortuny, entre 1860 et 1862. De nombreux petits formats dépeignent paysages, architectures, scènes de vie, et études de batailles, de façon réaliste quoique sensible. Gravures et études révèlent en outre l’extraordinaire virtuosité de Fortuny.
Cette exposition donne l’occasion de contempler des œuvres rares et de comprendre l’impact du mouvement orientaliste sur l’art et la culture européenne…
Et vous, quelle est votre vision de l’Orient ? Et laquelle Mariano Fortuny vous fera-t-il découvrir ?
Bérangère DETOLSAN
Crédits photos Jean Luc Paviot (photos 3,4 et 5)